La portée que peut avoir un don

Marie-Élise, Montréal
herosducancerRecherche

Marie-Élise Parent est chercheure à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), classée première université au Canada en 2018-2019 pour son intensité de recherche. Elle est l’une des épidémiologistes les plus reconnues au monde qui étudie le lien entre les facteurs environnementaux et le cancer de la prostate.

Elle a découvert sa vocation dans les années 1980 lors de ses études de premier cycle en nutrition. Suite à cela, elle a poursuivi sa maîtrise en épidémiologie nutritionnelle qui a ensuite donné lieu à un doctorat.

« La nutrition est un domaine de recherche difficile car son étude est complexe. C’est difficile de mesurer la consommation et de faire la synthèse des données d’une manière qui permette de comprendre comment cela peut affecter le corps 20 ans plus tard. Lors de ma dernière année de premier cycle, je me suis rendue compte que j’étais tout à fait capable de bien faire la synthèse des données déjà disponibles. En tant que scientifique, la synthèse est une partie importante du travail, surtout en épidémiologie. On doit rassembler les données de plusieurs études afin d’en tirer des conclusions. »

Elle s’est rapidement rendue compte, aussi grâce à l’encouragement de plusieurs de ses professeurs, que son aptitude à analyser les statistiques pouvait être un atout important en épidémiologie. C’est au cours de ses études doctorales que son intérêt pour l’épidémiologie du cancer s’est vraiment développé . Elle s’est rendue compte qu’il y avait déjà beaucoup de données disponibles au sujet de nombreux autres cancers, tels que le cancer du sein, mais que le cancer de la prostate en particulier manquait grandement de données.

« Le cancer de la prostate est une maladie très commune dans la population et j’étais étonnée par le manque d’information. J’ai tout de suite ressenti le besoin d’y remédier. Il y avait beaucoup de choses dans la littérature qui nous dirigeaient vers les facteurs environnementaux, notamment la grande variation géographique des cas du cancer de la prostate. On savait que lorsque les gens migrent d’une zone à faible taux vers une zone où l’on retrouve un taux de cas plus élevé, ces personnes atteignent à leur tour, le même taux de risque. Ceci nous démontre que l’environnement a un effet sur les risques de cancer de la prostate. Ce n’est pas seulement la génétique, il y a autre chose. »

En 2002, elle a commencé sa première étude à grande échelle sur les risques environnementaux du cancer de la prostate. En 2010, elle fut l’une des bénéficiaires du programme  GRePEC (Groupe de recherche et de prévention en environnement-cancer), une collaboration entre la Société de recherche sur le cancer et le ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation du Québec. La subvention allouée par le GRePEC a permis d’attribuer un total de 12 millions de dollars à trois projets d’envergure ainsi qu’à la création de deux postes de chercheurs en épidémiologie du cancer, comme celui de Vikki Ho.

Marie-Élise croit fortement dans l’aspect collaboratif de la recherche. Lorsqu’un projet de recherche reçoit une subvention, les fonds ne servent pas seulement à financer un projet unique, cela permet de débloquer d’énormes quantités de données qui seront ensuite utilisées par d’autres chercheurs dans le même domaine.

« Nous sommes très collaboratifs, Vikki Ho, Scott Weichenthal et moi. Nous travaillons ensemble sur beaucoup de projets. Scott étudie le lien entre le taux de pollution dans l’environnement général et le développement du cancer du cerveau. Il a pu utiliser les données recueillies par notre étude sur le cancer de la prostate et assigner des niveaux d’exposition à chaque participant. Ceci permet de faire le lien entre la pollution dans l’environnement général, et les risques de développer certains cancers. Il a d’ailleurs publié une étude à ce sujet. C’est ce que nous faisons, nous travaillons ensemble. Vikki se sert de notre approche d’évaluation des expositions professionnelles aux produits chimiques et à l’activité physique pour les mettre en application sur ses patients atteints du cancer du sein. Ce que nous développons chacun de notre côté est souvent utilisé par une autre étude, le tout est très collaboratif. Chaque chercheur et chaque collaboration peuvent ajouter un élément nouveau à la science alors c’est un très bon moyen de rentabiliser les fonds qui nous sont alloués. »

Depuis le début de son étude, Marie-Élise et son équipe ont fait des entrevues auprès de plus de 4000 hommes ayant reçu un diagnostic de cancer de la prostate ou faisant partie d’un groupe témoin. Grâce à la subvention reçue par la Société en 2010, son étude est devenue la plus importante de ce type au monde.

Beaucoup de cancers, passant du cancer du sein chez l’homme au cancer de la prostate, ont souvent été des sujets tabous. Pour elle, quelques-uns des héros du cancer les plus importants sont les hommes qui se sont portés volontaires pour prendre part à ses études.

« Nous avons effectué des entrevues avec chacun d’entre eux à leur domicile durant parfois deux, trois ou encore cinq heures. Nous avons établi une relation de confiance avec ces hommes et ils étaient vraiment très reconnaissants et enthousiastes de partager toutes sortes d’informations, surtout dans les plus récentes années. Le cancer de la prostate est un sujet tabou, puisque son traitement peut influencer la fonction sexuelle. Les hommes ne parlent pas autant des détails personnels alors il n’y a pas eu le même engouement pour parler du cancer de la prostate qu’il n’y en a eu pour les cancers typiquement féminins, comme le cancer du sein. »

Parmi les questions posées à ses participants, Marie-Élise aborde le plus de sujets possibles et imaginables. Que ce soit au sujet de l’activité physique, des facteurs d’exposition dans le cadre professionnel, des habitudes sexuelles ou bien encore de l’exposition potentielle aux infections transmissibles sexuellement (ITS).

« Je me souviens que dans les premières études, les chercheurs avaient beaucoup de difficulté à obtenir de l’information concernant la sexualité, car les gens étaient souvent mal à l’aise de partager ces détails. De nos jours, on peut poser presque toutes les questions et les gens sont très ouverts à partager des détails qui sont parfois très délicats et personnels. Il y a eu un vrai changement sociétal dans la compréhension de l’importance de la transparence et de l’honnêteté dans le processus de la recherche. Cette capacité à partager de l’information personnelle qui saura être bénéfique pour le bien de tous est vraiment une évolution importante. Les gens croient vraiment en la science. »

L’un des concepts souvent mal compris au sujet de la recherche épidémiologique est qu’il s’agit d’un domaine dont la cause et l’effet peuvent être aussi immédiats qu’une réaction chimique. La recherche épidémiologique, dont le but est d’améliorer les théories scientifiques pour mieux comprendre et prévoir certaines éventualités et causes des maladies, et ainsi les prévenir, est un procédé qui prend du temps. La recherche implique une analyse rigoureuse des données et une vérification des hypothèses par de nombreuses personnes de manière simultanée. C’est pour cela que c’est souvent mis de côté par le public car ce n’est pas sensationnel ou très attirant niveau marketing.

« En épidémiologie, on a besoin d’abord de plusieurs études qui sont ensuite examinées avec les analyses des données toxicologiques et des informations recueillies en laboratoire. Ces données sont ensuite analysées par des comités d’experts qui regardent toutes les données et concluent ensuite s’il y a effectivement ou non, une connexion ou s’ils doivent faire la recommandation qu’une étude supplémentaire doit être effectuée pour mieux comprendre les évolutions pour avoir plus de données précises. C’est un très long processus. On peut voir la recherche comme la construction d’un pont. On n’aurait pas pu construire le Pont Champlain en l’espace de cinq semaines. On a besoin de plans, d’ingénieurs, de tests, de construction et ainsi de suite. Tout comme la construction d’un pont, la recherche est un investissement dans notre futur. C’est ce qui va nous permettre de créer un lien entre le présent et l’avenir. »

Faire un don à la recherche sur le cancer n’est pas simplement une contribution unique à une cause. C’est un investissement qui a le pouvoir de permettre à de multiples projets d’élaborer des meilleurs moyens de prévention, de détection et de traitement de tous types de cancers. Devenez un héros du cancer en faisant un don aujourd’hui.

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